
Élaboration du gin : Alcool neutre, procédés qualitatifs et méthodes d'extraction – Guide expert
Le gin est un spiritueux dérivé d'une eau-de-vie de grain — ou de mélasse pour les qualités inférieures. Son arôme principal doit provenir a minima des baies de genévrier, ces fruits bleu-vert produits par l'arbuste du même nom (ou d'un extrait déjà distillé).
L'aromatisation peut s'effectuer par distillation, reposant alors sur l'infusion ou la macération des botaniques dans la base alcoolique avant ou pendant l'opération. Une méthode alternative, dite Compound, permet l'aromatisation sans distillation subséquente, par simple mélange de la base alcoolique avec des concentrés aromatiques ou des essences, qu'ils soient naturels ou artificiels.
Règlementation et standards du gin : Exigences et facteurs aromatiques
Exigence légale du genévrier (Juniperus) : La condition sine qua non
L'obtention de l'appellation "gin" est subordonnée à la nécessité d'une perception organoleptique des baies de genévrier. Cependant, en dehors de cette exigence fondamentale, l'emploi des autres botaniques n'est soumis à aucune réglementation stricte, conférant aux distillateurs une liberté totale quant au nombre d'ingrédients, aux combinaisons, aux dosages et aux techniques d'extraction employées.
Le rôle prépondérant de l'environnement et des botaniques locales
L'un des vecteurs prépondérants du profil aromatique des gins d'excellence réside dans leur ancrage géographique ; les producteurs tirent avantage des botaniques cueillies directement dans leur environnement naturel.
L'exigence du titre alcoolique minimal en Europe
Outre la présence du genévrier, le degré d'alcool constitue une condition sine qua non : l'alcool aromatisé doit être embouteillé à un minimum de 37,5% vol. en Europe. Certains styles de gins peuvent faire l'objet d'adjonctions postérieures, telles que des colorants, différents sucres ou des arômes.
Le dosage et le mode d'extraction : Facteurs décisifs du profil
Bien que le processus d'élaboration du gin présente une technicité moindre que celui du whisky, la sélection des botaniques, leur dosage exact, et la méthode d'extraction des huiles essentielles constituent des paramètres décisifs influençant le profil final. Chaque distillateur applique et conserve jalousement ses recettes et méthodes spécifiques.


La base alcoolique du gin : Sourcing, Composition et Production de l'alcool neutre
Définition de la base alcoolique (alcool neutre ou alcool rectifié)
La production de gin repose sur l'impératif d'aromatiser une base alcoolique désignée comme "neutre" ou "rectifiée". Ce distillat titre environ 96% vol. et se caractérise par un profil organoleptique parfaitement neutre, ce qui rend l'identification des ingrédients originels quasiment impossible.
Modes d'acquisition de la base alcoolique
Acquisition externe : Le modèle majoritaire (achat d'alcool neutre de grain)
La majorité des distilleries acquièrent l'alcool neutre directement auprès de fournisseurs. Leur travail se circonscrit alors strictement à l'aromatisation de cet alcool. Cette base est généralement de l'alcool neutre de grain (maïs principalement, mélangé au seigle ou à l'orge), ou plus rarement de mélasse (pour les gins bas de gamme) ou de betteraves.
Production interne : Le modèle artisanal intégré (distillation de moût)
Moins fréquemment, certaines distilleries élaborent leur propre moût fermenté et le distillent via des Pot Stills (alambics traditionnels à repasse), des Coffey Stills (alambics à colonnes) ou alambics hybrides, s'affranchissant de l'achat externe. Dans ce cas, la base alcoolique n'est pas strictement "neutre".
> Soit le moût est distillé avec les botaniques (par macération ou infusion) dès la première passe ;
> Soit le premier distillat est ensuite soumis à une nouvelle distillation avec les botaniques. La distillerie Nc'Nean, par exemple, utilise un moût fermenté à partir d'orge maltée, distillé en Pot Stills (à l'instar du Scotch Whisky), mais le distillat est ensuite redistillé avec les botaniques au lieu d'être vieilli.
Extraction des arômes et redistillation : Les différentes Méthodes
La redistillation : Méthode de qualité supérieure et processus Par lot (Batch)
La méthode d'extraction est le procédé par lequel les essences sont extraites pour aromatiser la base. La redistillation, première technique, s'opère sur une base d'alcool diluée, ayant été préalablement macérée ou infusée avec les botaniques. Bien que les deux procédés soient cumulables, l'infusion demeure la plus répandue. Ces gins issus de la redistillation sont de qualité supérieure.
Processus de redistillation : Distillation par Batch et séparation des coupes
La distillation s'effectue par Batch (lot) via des alambics traditionnels de type Pot Still ou hybrides, chauffés à la vapeur. L'alcool est préalablement dilué de 96% vol. à environ 45-50% vol. avant d'être introduit. Lors de l'ébullition, les vapeurs s'enrichissent des arômes des botaniques. Seul le Middle Cut (cœur de chauffe) est conservé ; les Foreshots (têtes) et les Feints (queues), moins purs, sont redirigés pour être redistillés avec le lot suivant.
Les Deux Modes d'Extraction Aromatique : La Macération et l'infusion
Macération : Extraction par Trempage Direct
Le procédé consiste à incorporer la base alcoolique aux botaniques (ou extraits) pour en libérer les arômes par trempage, en vrac ou dans des sachets en coton. Il est possible de retirer les botaniques avant la distillation, de les laisser durant l'opération, ou encore de (re)macérer le distillat après la sortie de l'alambic.
Infusion (Vapor Infusion) : Extraction par Vapeurs
L'infusion positionne les botaniques en hauteur, sans contact direct avec le liquide. Elles sont confinées dans un panier (coton ou cuivre perforé) au niveau du col de l'alambic. Les vapeurs ascendantes entrent en contact avec les botaniques, s'infusant et récupérant ainsi les huiles essentielles.
Le mélange (méthode compound) : L'extraction sans redistillation
La méthode Compound consiste à mélanger une base d'alcool (souvent neutre à base de mélasse) avec des concentrés et essences, sans aucune redistillation ultérieure. Cette technique est principalement associée aux gins bas de gamme. Elle trouve son origine historique durant la prohibition américaine (années 1920) où les baignoires servaient à l'élaboration de Batchs (lots) de Gin.


Finition du gin : Dilution, filtration à Froid et embouteillage
La Dilution : Ajustement du titre alcoolique
Après la distillation, le mélange d'alcool et d'arômes pourrait techniquement être mis en bouteille en l'état. Cependant, il est réduit en volume d'alcool par dilution progressive avec une eau de grande pureté. Le gin doit titrer au minimum 37,5% vol. avant l'embouteillage. Les gins industriels respectent souvent ce minimum, tandis que les plus qualitatifs affichent un degré compris entre 40% vol. et 50% vol.
La filtration à froid (Chill Filtration)
Les gins subissent majoritairement une filtration à froid après leur dilution. Ce procédé consiste à refroidir le spiritueux à de basses températures pour éliminer les dépôts potentiels (particules en suspension) par passage à travers un filtre en cellulose ou un filtre à charbon actif.
Exigences et procédés d'embouteillage
Une fois que le gin a été soumis à la dilution souhaitée et, le cas échéant, à la filtration à froid (Chill Filtration), il est préparé pour l'embouteillage. Cette phase terminale est déterminante pour garantir la stabilité et la conformité légale du produit.
L'embouteillage doit s'assurer que le spiritueux respecte le titre alcoolique final (minimum de 37,5% vol. en Europe) et que la traçabilité de chaque lot est maintenue. La mise en bouteille est l'ultime étape avant la commercialisation, où l'intégrité du distillat final est scellée.



